Table des matières

5. Des dispositifs de participation dans les communes

Nous avons vu dans les modules précédents comment participer aux décisions publiques à l'échelle nationale, ce que permet le numérique pour rapprocher représentants et citoyens, et les limites qui sont posées par la participation.

À présent, regardons ce qui se fait à l’échelle locale ! La participation citoyenne est une vraie boule à facettes, faite de multiples aspects, et de divers outils. Si ces différentes implications peuvent nous sembler compliquées, ce sont surtout autant d’occasions de s’engager pour faire vivre nos territoires par la démocratie ! Voyons ensemble quelles formes elles peuvent prendre. Nous aborderons ici les budgets participatifs, les conseils de quartier, les conseils citoyens, la possibilité de rencontrer ses élus, et la façon dont peuvent participer les jeunes.

I/ Les budgets participatifs

Le budget participatif est un outil avec lequel les citoyens peuvent décider collectivement où sera affecté une partie du budget d’investissement de leur commune (ou collectivité territoriale).
Pour rappel : une commune doit à la fois financer son fonctionnement (électricité, salaires, subventions, achats de fourniture...) et ses investissements (travaux d’infrastructures, achats de matériels, constructions, aménagements de bâtiments...). Le budget participatif correspond à une partie du budget alloué aux investissements.

image im2.png (0.2MB)

Le budget participatif en 5 étapes


image BP1.png (0.2MB)
image bp2.png (0.2MB)
image bp3.png (0.2MB)
image bp4.png (0.2MB)
image bp5.png (0.1MB)

Le budget participatif en 5 avantages

  • • Les projets financés améliorent généralement le cadre de vie des habitants
  • • Les décisions prises sont des décisions d’usage : les citoyens concernés peuvent décider à la lumière de ce qu’ils vivent au quotidien
  • • La parole est donnée aux citoyens qui font vivre la démocratie directe en exerçant un pouvoir d’influence sur les politiques
  • • La transparence induite par ce processus renforce le sentiment de confiance et de légitimité entre les citoyens et les instances de décision

5 limites du budget participatif

  • • La faible implication des classes populaires
  • • La faiblesse du montant alloué (souvent entre 1% et 2% du budget d’investissement total)
  • • L’insuffisance d’investissement dans les moyens humains
  • • Le risque d’une compétition malsaine entre les porteurs de projet
  • • L’absence de volonté politique peut être un frein


L’exemple de la ville de Bagneux


Retrouvez ici les projets qui ont déjà été mis en place à Bagneux.

II/ Les conseils de quartier

Les conseils de quartier sont des instances consultatives associant des habitants d’une grande ville à la gestion municipale. Les conseils de quartier peuvent avoir un rôle d’avis et de proposition sur tout sujet concernant la ville (mise en place de nouveaux équipements publics, amélioration du cadre de vie, aménagement urbain…).

C’est le conseil municipal qui en fixe la composition ainsi que les modalités de fonctionnement. Ils regroupent des habitants volontaires. Ils sont obligatoires dans les villes de plus de 80 000 habitants, peuvent être créés dans celles de 20 000 habitants et peuvent exister de manière informelle dans celle de moins de 20 000 habitants.
S’ils présentent l’intérêt d’engager les citoyens dans la politique locale, et de tisser des liens entre les élus et les habitants, les conseils de quartier comportent beaucoup de limites : instances consultatives, ils n’ont aucun pouvoir décisionnel ; il peut y avoir une confusion entre intérêts individuels et intérêts du quartier ; les classes populaires sont souvent sous-représentées.

III/ Les conseils citoyens

Un conseil citoyen est une structure indépendante du pouvoir politique, dont l’objectif est de co-construire la politique de la ville avec tous les acteurs de celle-ci. Sa première mission est de favoriser l’expertise partagée en garantissant l’expression des habitants dans leur diversité, aux côtés des associations et des acteurs économiques des quartiers prioritaires.
Il est composé de membres issus d’un tirage au sort, ayant plus de 16 ans et habitant ou travaillant dans la commune.

Un conseil citoyen est constitué de deux collèges : un collège « habitants » et un collège « représentants des associations et acteurs locaux ».

Quels sont les avantages d’un conseil citoyen ?

  • • La construction d’un contre-pouvoir citoyen
  • • La rencontre des acteurs du territoire
  • • L’impossible argument d’autorité : la bonne décision est celle qui advient après concertation collective de toutes les parties prenantes et non simplement d’experts et de décideurs
  • • La transparence
  • • La transformation de la violence et du silence en conflit démocratique, à même d’être résolu collectivement

Ce dispositif innovant se heurte toutefois à quelques limites :
- La désertion des citoyens au fur et à mesure des rencontres : du fait du décalage entre leurs contraintes (vie de famille, non-maîtrise du langage institutionnel,...)
- L’indépendance peut-elle être complète quand il faut demander une salle à la mairie pour faire les réunions, quand les conseils citoyens n’ont pas de budget, quand ce sont les collectivités qui animent les réunions… ?

Quelles conditions de réussite ?

  • • Le volontarisme des citoyens et le volontarisme politique
  • • La clarification du lien entre la participation et la décision
  • • Le soin des relations humaines

Le dispositif des conseils citoyens a été créé en 2014. Il est la concrétisation du rapport « Pour une réforme radicale de la politique de la ville » (1), réalisé par Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué. Mais d’après cette dernière, nos représentants n'ont pas gardé l'esprit initiale de ce rapport dans la loi de 2014 :

"Notre proposition n’était pas d’imposer ce dispositif mais d’inciter à la création de tables de quartier en les appuyant par des moyens financiers et d’accompagnement quand des citoyens les créaient. Il nous semblait plus fructueux de soutenir des dynamiques locales que de légiférer. La logique politique en a voulu autrement : les tables de concertation sont devenues des conseils citoyens, rendus obligatoires par la loi. Cette propension à légiférer sans par ailleurs donner les moyens de fonctionnement de ces conseils citoyens illustre bien les contradictions qui parcourent le personnel politique français sur la question de la participation."

Ainsi Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache ont créé l'association Pas Sans Nous, pour continuer de faire reconnaitre l'expertise d'usages des citoyens dans les villes, et favoriser leur investissement dans les politiques publiques des communes.

Du 29 octobre 2021 au 5 mars 2022, les bénévoles de Pas Sans Nous (2) ont fait un tour de France, « Nos quartiers ont de la gueule ! » (3), pour débattre de la démocratie, soutenir les luttes locales, combattre les discours racistes et susciter des échanges avec les habitants des quartiers. Suite à cela, ils ont élaboré un manifeste, fruit des revendications et propositions des milliers d’habitants les ayant accueillis ! Des habitants de Roubaix, Montpellier, Aix-en-Provence, Montreuil, Tourcoing, Brest, Lyon, Sarcelles, Perpignan... ont pu exprimer leurs colères, leurs doutes, leurs frustrations et leurs propositions, à travers la consultation. Pour les membres de l’association, c’est le signe que l’abstention record qui traverse la France depuis quelques années, est tout sauf le signe d’un désintérêt des citoyens pour la politique !

Le constat, unanime : le caractère inégalitaire de notre société, particulièrement dans les quartiers populaires. Que ce soit dans les services publics, la culture, la scolarité, l’emploi, le logement, la santé, l’écologie et quel que soit leur âge ou genre, ce qui marque les habitants, c’est le côté profondément discriminatoire de notre système.

L’exigence qui émerge : rétablir la justice et l’égalité des droits entre toutes et tous.


IV/ Rencontrer nos élus

Quelle que soit la taille de votre commune, vous avez toujours la possibilité de rencontrer vos élus et de pouvoir échanger avec eux afin de leur proposer vos projets, initiatives ou opinions. C’est même un pas nécessaire si vous voulez co-construire un projet de transformation de votre ville !

Vous pouvez faire cette démarche de manière spontanée, ou alors rejoindre le réseau de ceux qui vont à la rencontre de leurs élus ! Cette idée, c’est la « Route en communes » (4), née dans la tête d’Ulysse Blau, ingénieur en bioressources parti à la rencontre des maires du Calvados d'avril à juillet 2019. Son objectif ? Recueillir leurs témoignages et leur vision des choses, concernant la gestion des ressources et l’implication des habitants dans leur commune. Depuis, cette démarche citoyenne essaime un peu partout en France (5).

V/ Les instances de participation des jeunes et des enfants

Souvent, on dit des jeunes qu’ils n’ont pas d’intérêt pour la politique. Et on se base pour ça sur les taux d’abstention lors des élections (84% lors des dernières élections régionales chez les 18-24 ans). Pourtant, 82% des moins de 30 ans souhaitent pouvoir avoir la possibilité d’agir sur leur territoire. Et si, au-delà du vote, la jeunesse était plutôt en train d’inventer d’autres façons de faire politique ?

La multiplicité des structures démocratiques dédiées et animées par des jeunes nous le rappellent bien : Conseils intercommunaux des jeunes, Conseil Territorial des Jeunes, Association de la Fondation Étudiante pour la Ville (AFEV), Forum Français de la jeunesse (FFJ), Forum régional de la jeunesse (FRJ)...

Les conseils de jeunes, par exemple, ont pour objectif d'inciter les jeunes à participer et à s’engager, en leur facilitant l’accès à des instances décisionnelles des collectivités.

La tranche d’âge oscille en 9 et 25 ans et le mode d’entrée est variable : élections dans les écoles, en mairie, au sein d’associations… Bien que consultatifs, ils permettent à des jeunes de délibérer autour de leurs idées et potentiellement, de mener des actions. En bref, ils deviennent pleinement acteurs de leur territoire !

L’association qui met tout ça en réseau : l’Anacej

L’Anacej (6) (Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes) est une association qui promeut la participation des enfants et des jeunes à la décision publique. Elle accompagne aussi des collectivités locales dans la mise en place de démarches de participation des jeunes. Elle regroupe des élus et des professionnels de 542 collectivités territoriales, ainsi que 16 mouvements de jeunesse et d’éducation populaire.

Voici quelques-uns de leurs outils : une convention internationale relative aux droits de l’enfant, un podcast sur les jeunes citoyens engagés (« Jeunes Pousses »), un réseau multi-acteurs national, 25 propositions pour renforcer l’implication des jeunes dans la citoyenneté, un observatoire du comportement électoral des jeunes... En bref, un large panel d’actions permettant aux jeunes d’exercer leur pouvoir démocratique et de faire entendre la voix de leur génération !

Appel à témoignages !
Budget participatif, conseil de quartier, conseil citoyen... Avez-vous déjà participé à l'un de ces dispositifs ? Si vous le souhaitez, vous pouvez partager votre expérience dans les commentaires ! (si vous n'êtes pas connecté, la marche à suivre est indiquée ici).

Ces initiatives sont certes remarquables, et permettent d'améliorer la qualité de la démocratie dans les communes où elles prennent place. Elles ne suffisent toutefois pas à produire un changement systémique. Voyons si celui-ci peut se produire, quand les citoyennes et les citoyens prennent les mairies !

Notes


(1) Pour une réforme radicale de la politique de la ville, de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache
(2) Le collectif Pas sans nous
(3) Le Tour de France Nos quartiers ont de la gueule !
(4) La « Route en communes »
(5) Lire l’entretien avec Ulysse Blau sur Colibris le Mag : « Soyons à l’écoute des maires ! »

Ressources complémentaires



Commentaires

user picture
le 16.05.2022 à 04:47:49
Deux points svp.
1) J'ai peut être raté ce point mais je me dis que ça aurait été bien de parler des niveaux de participations (sous entendus à plusieurs reprises jusqu'à présent). Dans un module de formation j'avais entendu parler des échelles de participation à 5 niveaux, d'Arnstein et de Pretty, et du cube démocratique de Fung. Un avis là-dessus ?

2) Dans l'étape 4 du BP, quelles sont le genre d'étude complémentaires qu'il peut y avoir après avoir révélé le projet ?

Merci pour ce premier aperçu des dispositifs.