5. La consigne : comment s'y mettre

Qu’est-ce que la consigne ?

La consigne désigne le système qui consiste à payer lors de l'achat d’un produit une somme supplémentaire correspondant au prix de l’emballage, prix qui est retourné à l'acheteur lorsqu'il rapporte l'emballage. Souvent, celui-ci peut choisir de récupérer un bon d’achat pour refaire ses courses dans le même magasin ou peut demander à récupérer le montant de la consigne directement. Dans certains cas où la vente en vrac est disponible, il peut également choisir de re-remplir lui-même son contenant consigné et ne paie alors que le contenu lorsqu’il repasse en caisse.

ATTENTION, nous parlons ici de la consigne “pour réemploi”, qui permet de récupérer des emballages réutilisables pour les laver et les re-remplir avant de les remettre dans le circuit. Lorsqu’on évoque le mot “consigne”, c’est le plus souvent à cette pratique que nous pensons, or une certaine confusion règne autour de ce terme, qui ne dit rien du devenir de l’emballage une fois celui-ci rendu en magasin. Dans les discours politiques et médiatiques, la consigne est parfois évoquée pour désigner en réalité une consigne “pour recyclage” : l’emballage reste à usage unique et l’idée est de le récupérer pour l’envoyer vers des usines de recyclage. Ce système vise à augmenter les performances de tri en mettant une incitation économique à ramener l’emballage, mais il ne remet aucunement en cause l’usage unique. Il convient donc d’être attentif lorsqu’on parle de la consigne, car celle-ci ne s’inscrit dans une démarche de réduction des déchets et des gaspillages que si elle permet de récupérer les emballages pour les réemployer.

Nous avons souvent en tête l’image des bouteilles de lait ou de bière lorsque nous pensons à la consigne, or celle-ci peut s’appliquer à tout type d’emballages alimentaires : boîtes à repas pour la vente à emporter, gobelets à café, écocups dans les festivals, bacs de transport pour livrer les épiceries et commerces de bouche, bocaux, etc. Il existe également des initiatives en dehors du domaine de l’alimentaire, portant par exemple sur les emballages postaux utilisés pour la vente en ligne, la vente de cosmétiques ou produits de maquillage dans des flacons consignés, les bidons pour les produits d’entretien, etc. La consigne est également pratiquée dans le domaine industriel sur certaines palettes en bois et caisses de transport. Enfin, elle a partiellement perduré dans le secteur des cafés-hôtels-restaurants, où une partie des boissons et fûts de bière sont vendus consignés : les grossistes-distributeurs récupèrent les bouteilles et fûts vides lorsqu’ils livrent les boissons aux professionnels.

Pourquoi ce système ?

Vous rappelez-vous les 5R ? Refuser, réduire, réutiliser/réemployer, recycler, redonner à la terre… Nous avons vu que le recyclage ne se substituera jamais à un déchet qui aurait pu être évité. En matière d’emballage aussi, il est donc essentiel de privilégier avant tout la réduction à la source et le réemploi, seul dispositif réellement compatible avec l’urgence de préserver les ressources naturelles. Lorsqu’elle permet de récupérer les emballages pour les laver et les remettre ensuite dans le circuit, la consigne a donc clairement un “R” d’avance sur le recyclage ! Celui-ci reste en effet un processus énergivore, qui nécessite d’ajouter des matières vierges. Recycler du verre pour recréer une bouteille nécessite, par exemple, de chauffer les fours pendant 24 heures à 1 500°C et de réinjecter une part de calcin vierge. Quant aux emballages en plastique, ils sont souvent “décyclés” en plastiques de moindre qualité plutôt que “recyclés” en de nouveaux emballages du même type.

Le paradoxe de l’usage unique

Presque tous nos emballages ménagers sont à usage unique : une fois qu’ils ont rempli leur rôle de protection de l’aliment, nous les jetons dans la poubelle résiduelle ou le bac de recyclage. Nous avons pourtant soigneusement sélectionné des matériaux très résistants afin de remplir cette fonction de protection… Ne trouvez-vous pas étrange, en effet, de choisir des matériaux connus pour leur longue durée de vie (100 à 1 000 ans pour le plastique, 200 à 500 ans pour l’aluminium, jusqu’à 5 000 ans pour le verre) pour créer des emballages qui seront jetés, après n’avoir servi qu’une seule fois ?

Les bénéfices environnementaux

Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), les systèmes de consigne les plus performants peuvent réduire de 65 à 85 % l’impact environnemental global de l’emballage.

  • Réutiliser les emballages grâce à la consigne permet d’économiser des ressources de plus en plus précieuses. Dans le cas du verre, par exemple, des études ont montré que sa fabrication pouvait consommer jusqu’à 15 fois plus d’énergie que le seul lavage d’une bouteille (1). Outre les ressources énergétiques, le réemploi permet d’utiliser moins de matières premières comme le sable, qui est surexploité, ou l’eau. Quant au plastique, il est constitué à 99 % de matières fossiles dont on connaît les risques d’épuisement…
  • … et la contribution au dérèglement climatique. La consigne permet donc également d’émettre moins de gaz à effet de serre. Dans le cas de la consigne sur le verre, cet impact est réduit de 70 % par rapport au verre recyclé (2) et de 10 % par rapport au plastique PET recyclé (3) à distance de transport équivalente.
  • La consigne permet aussi de limiter la dispersion de polluants dans l’air et l’eau, en diminuant notamment le nombre d’emballages à recycler, incinérer ou enfouir en fin de vie. Une bouteille en verre pourra, par exemple, servir jusqu’à une cinquantaine de fois avant d’être envoyée au recyclage. Les systèmes de consigne sur les boîtes à repas qui se développent localement (4) permettent quant à eux d’éviter de très nombreux emballages jetables, dont peu sont réellement recyclables et triés à cet effet. Un autre exemple est celui du Ouikit, un kit de vaisselle réutilisable prêté par la Maison du Zéro Déchet à Paris pour les événements de toutes tailles (anniversaires, fête d’école, repas de quartier, festival, etc.). Il permet d’éviter environ 8 000 objets jetables chaque année.
  • En donnant une valeur aux emballages, la consigne aide aussi à lutter contre l’abandon des déchets dans la nature ou sur la voie publique.
Enfin, la consigne pour réemploi est l’un des leviers à actionner pour s’attaquer efficacement à la pollution plastique. De nombreuses alternatives consignées pourraient se substituer aux bouteilles en plastique et TetraPack (partiellement composé de plastique), aux emballages alimentaires (bocaux, yaourts, etc.) et aux contenants de la restauration à emporter.

La baisse des coûts

La réutilisation permet des économies de coût sur l’ensemble de la chaîne lorsque les systèmes de consigne sont bien implantés et que les investissements de départ ont été rentabilisés. Cela coûte, par exemple, deux fois moins cher à la brasserie alsacienne Météor de conditionner 1 000 Litres de bière dans ses bouteilles consignées VK Alsace que dans ses bouteilles en verre à usage unique Eco 75.

Généralement, ces économies bénéficient également au consommateur final, qui ne paie plus que le contenu. Les produits consignés en Alsace sont ainsi vendus en moyenne entre 10 et 25 % moins cher que leur équivalent en plastique à usage unique (5).

Enfin, tant qu’ils sont réutilisés, les emballages sont écartés des filières de gestion des déchets et évitent donc des frais aux collectivités locales. Celles-ci peuvent également réaliser des économies grâce à l’impact positif des consignes sur les dépôts sauvages d’ordures et la propreté des rues, également à la charge des collectivités, et donc financés, in fine, par les contribuables que nous sommes.

La création d’emplois locaux

A terme, le développement de la consigne permettrait de créer davantage d’emplois que le recyclage, grâce aux besoins accrus pour le tri, le lavage et la logistique, mais également parce que les systèmes d’embouteillage à usage unique sont beaucoup plus automatisés de manière générale. Une étude commandée par la Commission Européenne montre que le recours soutenu à la consigne pourrait créer 27 000 emplois en Allemagne et que, inversement, si les emballages consignés disparaissaient au profit des emballages à usage unique, 53 000 emplois seraient perdus (6).

La redynamisation des économies locales

Le développement de la consigne prend tout son sens lorsqu’il accompagne celui des ventes en circuits-courts. Une grande partie des initiatives qui naissent ou revivent un peu partout en France s’attachent en effet à mettre en relation des centres de production avec des réseaux de distribution locaux, ce qui permet en plus de réduire les distances de transport et donc l’impact environnemental de cette étape.

Comment s’y mettre ?

Nous venons de détailler les 1001 avantages de la consigne et vous aussi rêvez maintenant de vous y mettre ? Des efforts et de la patience sont encore nécessaires pour remailler notre territoire de beaux circuits d’emballages consignés, mais - bonne nouvelle ! - les initiatives se multiplient un peu partout. Une association s’est même constituée au niveau national pour les soutenir : le Réseau Consigne.

Si vous habitez en Alsace, vous pouvez déjà acheter dans plus de 200 points de vente des bières, eaux, jus et sodas en bouteille de verre réutilisable. Nous vous conseillons de surveiller l’actualité d’Alsace Consigne, un réseau régional qui fédère associations, industriels et distributeurs pour promouvoir l’usage de la consigne en Alsace.

Ailleurs, ne désespérez pas et ouvrez l’œil : de nombreux projets se développent. Vous pouvez les soutenir en privilégiant l’achat des produits concernés ou en contribuant à des campagnes de financement participatif. Les cartes de “crevette diplomate” et “l’âge de faire” en répertorient certaines, mais il en existe d’autres, souvent très locales. N’hésitez pas à en discuter avec vos commerces de proximité et épiceries vrac : certains restaurants, par exemple, proposent déjà la vente de repas à emporter dans leurs propres bocaux consignés, tandis que des petits producteurs de boissons ou cavistes vendent localement des bouteilles consignées. Si vous avez vos habitudes dans un café ou bar, n’hésitez pas non plus à engager la discussion sur le sujet, pour savoir s’ils pratiquent déjà ou envisagent de privilégier les boissons dans des bouteilles et fûts consignés.

N’oubliez pas non plus que la consigne peut porter sur la vaisselle réutilisable. Si vous organisez un événement privé ou professionnel, renseignez-vous sur les possibilités d’emprunt à proximité. Des structures comme OuiKit à Paris, Elemen’Terre à Toulouse, Esprit Planète à Rennes ou certaines collectivités en prêtent ou louent pour des manifestations de toutes tailles.

Enfin, n’hésitez pas à interpeller vos élus à ce sujet, via des pétitions existantes ou des courriers : faites-leur savoir que vous rêvez du retour de la consigne pour réemploi ! Participez à la grande campagne organisée par Zero Waste France en écrivant un message à vos députés demandant le retour de la consigne sur le verre. Tous les messages seront réunis par l’équipe de Zero Waste France, déposés dans une bouteille en verre et transmis à vos représentants. A envoyer AVANT LE 25 octobre !

(1) Etude Deroche 2009 sur la brasserie Meteor

(2) Source ADEME 2018

(3) Etude Carola 2019

(4) Reconcil et GreenGo à Paris, En Boîte Le Plat à Toulouse ou encore BoxEaty à Bordeaux, par exemple

(5) Source Alsace Consigne

(6) PWC, 2012, Reuse and Recycling Systems for Selected Beverage Packaging from a Sustainability Perspective
Ii56LaConsigneCommentSYMettre (LMS Activité), écrite par Héléna Rouveau
créée le 16.12.2019 à 11:08, mise à jour le 02.06.2021 à 15:00