Table des matières

1. Introduction du module 3

Démocratie, démocratie chérie... Nous avons vu dans le module précédent comment, au fil des siècles, ses nobles idéaux ont pu s'incarner dans nos institutions et nos pratiques, malgré de nombreuses limites.

La démocratie est en crise, certes, mais cela semble être son état naturel, car comme le formule Jean Massiet dans le module qui précède "la démocratie est le seul modèle politique qui interroge sa propre légitimité et sa propre efficacité".

En même temps, elle n'a jamais suscité autant d'adhésion, autant d'envie, de la part des citoyennes et des citoyens, de participer à la vie de la cité. C'est parce que nous voulons une démocratie vivante qu'il est nécessaire d'être parfaitement conscient des risques qui la menacent, afin de pouvoir y faire face et les surmonter. C'est l'objectif de ce module.

« La démocratie est le seul modèle politique qui interroge sa propre légitimité et sa propre efficacité »

La France, berceau des droits humains promulgués en 1789, connaît effectivement un affaissement de sa démocratie et des libertés. De nombreux militants et militantes politiques, syndicalistes, journalistes et défenseurs des droits le déplorent. Plusieurs arguments nourrissent un tel procès.

D’abord, celui des états d’urgence successifs. Savez-vous qu’entre 2015 et 2021, nous avons passé la majorité de notre temps sous le régime de l’état d’urgence ? 60 % de cette période exactement, soit 44 mois, du fait des couvre-feux consécutifs aux menaces islamistes et des confinements liés au coronavirus. Depuis 2015, une série de lois sécuritaires et anti-terroristes ont ainsi été promulguées en France. « Un état d’exception qui menace les droits fondamentaux, dénonçait l’organisation Amnesty International dans un rapport de 2015. Des catégories de personnes sont particulièrement visées, mais c’est toute la société qui subit cette restriction des droits et des libertés ».

Et la pandémie de coronavirus n’a rien arrangé ! Quelle que soit son opinion sur les vaccins, le confinement forcé ou les restrictions de liberté de se déplacer, de se réunir, de travailler avec du public, ou de manifester, l'obligation d’adopter des mesures sanitaires pour accéder à divers services, tout cela, analysait l’hebdomadaire britannique The Economist en 2021, « a provoqué un énorme recul des libertés démocratiques, conduisant le score moyen de l'indice [des libertés publiques] à son plus bas niveau historique ». Résultat, en 2021, la France est arrivée à la 24e place du palmarès des pays libres, sur 167 pays. Elle est ainsi reléguée dans la catégorie des « démocraties défaillantes ». Peu reluisant !

Deuxième marqueur de ce recul démocratique, l’accroissement des violences et des répressions policières, notamment à l’encontre des manifestants syndicaux et des Gilets Jaunes. Selon le bilan établi, là encore par Amnesty International en 2019, il y a eu 2500 blessés côté manifestants (et journalistes et observateurs) et 1800 côté force de l’ordre, 24 éborgnés, 5 mains arrachées, et une personne tuée (Zineb Redouane, à Marseille, en 2018). Et sur les 378 enquêtes pour violences contre les Gilets Jaunes ouvertes par l’IGPN, la police des polices, seulement 2 ont donné lieu à des sanctions administratives… « Les Nations Unies, le Défenseur des droits ou le Conseil de l’Europe se sont tous inquiétés de l’usage excessif de la force en France et des restrictions que cela entraîne sur le droit pour les personnes de manifester pacifiquement », a relevé l’organisation humanitaire.

Troisièmement, la multiplication en France du fichage et de la surveillance est une autre atteinte à la démocratie. Voyez plutôt : le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), un fichier commun à la police et à la gendarmerie nationale créé en 2018, consigne pas moins de 18,9 millions de personnes, soit 28 % de la population française, pour une durée de quinze à quarante ans, selon les cas. Sont-elles toutes des personnes condamnées ? Pas seulement : y figurent également celles seulement « mises en cause », « complices d’un crime ou d’un délit » ou d’« une contravention de 5ème classe (trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique, atteinte aux personnes, aux biens ou à la sûreté de l’État) »… et même leurs victimes.

Cet affaissement de la démocratie s’illustre également à d'autres endroits. Les intérêts privés sont à la manœuvre pour influer sur les décisions politiques, contre l'intérêt général. Les cabinets de conseil jouent un rôle de plus en plus important dans l'élaboration des politiques publiques. La plupart des médias ne jouent plus leur rôle d'informer en toute indépendance. Enfin, les pouvoirs publics pratiquent de plus en plus le civic washing, de la participation citoyenne qui n'en est pas vraiment...

C'est tout ce que nous allons explorer dans ce module !

Commentaires

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le 11.04.2022 à 08:09:16
Pour des raisons familiales, j'ai suspendu ma formation jusqu'au début de la quinzaine prochaine. Mais je souhaite, à l'issue de ce premier tour des élections, partager mon ressenti et les choses qui sont venues à moi.
Une profonde tristesse et en même temps une pleine détermination.
Trois citations ce sont succédées à ma mémoire :
"Le navire était noir mais la voile était blanche". V. Hugo
"Le vent se lève, il faut tenter de vivre" L.F. Koechlin
"Il ne suffit pas de se demander 'quelle planète laisserons-nous à nos enfants', il faut aussi se demander 'Quels enfants laisseront nous à la planète' ". Pierre Rabhi.
Certes, des moments pour créer, certes des moments pour accompagner les mourants, mais surtout oeuvrer pour les jeunes, les générations futures, la planètes et tout ce qui la peuple.
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le 11.04.2022 à 10:37:08
Vous dites : "Les intérêts privés sont à la manœuvre pour influer sur les décisions politiques, contre l'intérêt général." NON, intégrez, svp, que c'est légal, qu'au fond vous êtes triste que ce soit ainsi c'est tout. Vous êtes triste parce que vous aimeriez vivre en paix, et que ce n'est pas le cas. Vous aimeriez de l'honnêteté, et ce n'est pas le cas quand les faits prouvent que des représentants politiques peuvent travailler à leur intérêt et non à celui du peuple qu'ils représentent. C'est plus que de la tristesse, c'est une envie d'améliorer cela, pour vous et puis pour l'équilibre avec les personnes de votre environnement, et du nôtre aussi. SVP, intégrer cela, que nous puissions passer à notre envie de créer une institution citoyenne qu'aucune institution publique ne pourra réprimer, pour protéger les représentants politiques voulant œuvrer dans les droits de l'Homme et se protéger de ceux qui ne le font pas. SVP
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le 11.04.2022 à 23:27:54
Je suis d'accord qu'il y a parfois un manque d'impartialité ou trop de simplicité dans les constats, ce qui peut s'apparenter à des partis pris.
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le 12.04.2022 à 10:48:46
On peut avoir plusieurs lectures d'une même situation. Par exemple, on peut légitimement penser qu'au moment de voter, chacun privilégie son intérêt personnel. Si je suis proche de la retraite, je privilégie le candidat qui me semble favorable aux personnes qui vont accéder prochainement à la retraite, si je suis riche, je vote pour un candidat dont je pense qu'il favorise les riches. On peut aussi avoir un autre raisonnement au moment de s'exprimer et penser : quel est le candidat qui favorise au mieux le vivre ensemble (y compris mon voisin pauvre et qui est dans le ressentiment, même si son intérêt me paraît différent du mien...). Donc on peut penser que le lobying est une pratique naturelle de tous les groupes d'influence en capacité d'agir pour leur intérêt. Les bouchers défendrons la consommation de la viande, les producteur de tabac la production de tabac, les marchands de systèmes d'alarme agiront pour que le sentiment d'insécurité croisse si ils pensent que cela favorise leur business. Tout le monde n'est pas contraint à penser centré sur lui-même,...
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le 02.05.2022 à 21:14:34
Encore une fois, en tant que nation, en tant que "demos" peuple, il reste à définir, ou re-définir un bien commun, notre bien commun, celui que nous voulons ensemble définir et garantir, au-delà de nos intérêts privés. Malheureusement, les personnes chargés de l'autorité publique, de l'autorité de tous, de la nation, choisissent et redéfinisse sans arrêt à la place du peuple ce bien commun. Mais il arrive aussi au peuple de vouloir faire intégrer au bien commun des libertés et des intérêts privés qui n'ont rien à faire dans le bien commun d'une nation. Tout cela interroge notre manière de faire peuple, notre vivre ensemble, et aussi notre manière de redéfinir tous ensemble ce qui doit être notre bien commun, ce qui doit être ou non intégré dedans, et ce qui demeure et reste un bien privé.
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le 02.05.2022 à 21:18:12
D'une certaine manière, pour faire corps, pour faire commun, il me semble qu'il faudrait, encore plus à l'heure actuelle faîte de tensions et de heurts sur ce qui fait notre bien commun privilégier l'unanimité et non la majorité. Car l'unanimité pousse plus facilement à rechercher l'accord unanime et pousse à faire des concessions, alors que la majorité ne cherche que le rapport de force.