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7. Les activistes aussi ont de l'influence...

Arrêt d’un solarium pour les Jeux olympiques à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et restauration des jardins ouvriers détruits par les travaux ; abandon du Center Parc de Roybon en Isère, d’Europacity dans le nord de Paris, d’une porcherie géante à Ossun dans les Pyrénées, d’un surf park à côté de Saint-Jean-de-Luz, d’une carrière de ciment dans les Yvelines ; sauvegarde du parc des Lentillères à Dijon... Les récentes victoires écologistes existent bel et bien ! Partielles, provisoires, locales, certes. Mais elles sont précieuses.

Pas seulement pour le climat, la nature ou les terres nourricières. Pour les militants et les militantes aussi, et à travers eux pour tous les citoyens et les citoyennes. Car ces succès montrent que l’action paie, que l'on peut être entendus, que nos voix peuvent transformer le cours des politiques locales. Même face à des intérêts politiques, financiers ou industriels bien plus puissants, comme David, simple fils de berger, face au célèbre géant Goliath.

Parmi les victoires écologistes récentes, nous en retiendrons trois, qui illustrent trois modes d’intervention citoyenne, remarquables et différents.

Citons d’abord l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en 2018. Elle est le fruit d’une véritable guérilla menée dans ce bocage de Loire-Atlantique par un mouvement citoyen aussi diversifié qu’uni durant une cinquantaine d’années. Et le recul de l’État révèle la puissance créative de ce mouvement, à travers la Zad (Zone à défendre), sa capacité à expérimenter une démocratie collective, même imparfaite, et à inventer, sur le terrain, de nouvelles façons d’habiter ces 1650 hectares de terres libérées. Et de faire ainsi pousser un nouvel imaginaire.

Autre victoire savoureuse, celle enregistrée par l’association Bloom de défense des ressources halieutiques et marines. Leur succès sur l’arrêt de la pêche électrique et du chalutage profond en Europe illustre, dans ce cas, l’efficacité d’un lobbying scientifique et militant implacable directement à Bruxelles.

La bataille gagnée de Bloom contre la pêche en eaux profondes

« Nous avons commencé par réunir l’ensemble des arguments économiques, scientifiques et environnementaux qui récusaient ce modèle de pêche. Puis nous les avons soumis au Parlement européen. En décembre 2013, nous avons perdu le premier vote, mais nous avons persévéré et trois ans plus tard, en juin 2016, nous avons gagné. Nous avons montré que ces flottes de pêche, qui étaient financées par des subventions publiques, n’arrivaient pas à être rentables. L’opinion publique (que nous avons mobilisée en masse grâce à une BD virale de Pénélope Bagieu, ce qui a permis à notre pétition de collecter 900 000 signatures) était heurtée par le fait que nos impôts, fruits de notre travail, servaient à alimenter une pêche destructrice pratiquée, qui plus est, par une grande enseigne que tout le monde connaissait : Intermarché. Le fait d’avoir désigné un responsable principal a permis de mobiliser plus facilement l’opinion. La flotte de pêche a alors accepté d’arrêter le chalutage en eaux profondes au-dessous de 800 m et c’est seulement à partir de là que le Conseil de la Commission et le Parlement européen ont accepté de légiférer. C’est donc uniquement lorsque les industriels ont été forcés de changer leurs pratiques que les institutions ont accepté de réglementer. Le monde à l’envers ! »
Claire Nouvian, fondatrice de l'association Bloom
Témoignage tiré du livre Animal, de Cyril Dion, éditions Actes Sud / Colibris. ©Actes Sud, 2021

Troisième exemple, spectaculaire : l’Affaire du Siècle. Ce groupement d’associations saisit, cette fois, la justice pour faire triompher la cause écologique. En l’occurrence, le 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris annonce que les gouvernements successifs sont désormais obligés de faire leurs preuves et de respecter strictement les engagements climatiques de la France. L’État français est également sommé de réparer les dommages à l’environnement causés par son inaction, avant le 31 décembre 2022. Ce qui engage le prochain président élu…


Cette décision reste inédite dans notre pays sur un sujet environnemental. Ces recours en justice sont pourtant devenus courants dans le monde anglo-saxon. Et à présent en Europe. Ainsi, un « Tribunal Monsanto » s'est tenu les 15 et 16 octobre 2016 à La Haye. Cinq juges ont rendu leur avis – consultatif uniquement – et ont conclu que les activités de Monsanto ont un impact négatif sur les droits humains fondamentaux ; de meilleures régulations sont nécessaires pour protéger les victimes des entreprises multinationales ; et le droit international doit être amélioré pour mieux protéger l’environnement. Le processus a été documenté dans le film Tribunal International Monsanto, le Making of, de Marie-Monique Robin. Ce tribunal symbolique et très médiatique a contribué à faire émerger dans le droit international et dans l’opinion la notion essentielle de « crime d’écocide ».
C’est cela aussi la démocratie citoyenne en actes.


Quelques autres exemples inspirants :

Quelques associations ou ONG qui représentent les intérêts des citoyens auprès des décideurs des politiques publiques, nous pouvons citer par exemple Transparency International sur la transparence des politiques publiques, Les Amis de la Terre et leurs actions de plaidoyer auprès de grandes entreprises françaises et du gouvernement, France Nature Environnement pour la défense de l'environnement également, Surfrider sur la protection des littoraux marins, ou le Global Ecovillage Network, qui exerce une action de lobbying pour les écovillages à Bruxelles.

Enfin, le film "Des Clics de Conscience" raconte l'épopée de Jonathan et Alexandre depuis leur pétition YesWeGraine jusqu'au parlement, où ils vont tenter de modifier la loi pour permettre l'échange de semences paysannes. Une plongée dans les rouages de notre démocratie qui questionne la place laissée aux citoyens, et celle prise par les lobbies.

Le film est disponible sur ImagoTV :

Pour voir le film, cliquez sur le bouton de lecture puis sur "Regarder sur IMAGO" (vous n'avez pas besoin de compte pour regarder le film)

Ressources complémentaires



Commentaires

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le 07.04.2022 à 15:30:08
L'état français est condamné dans ' l'affaire du siècle. Soit ! mais qui va payer ? Nous les citoyens à travers nos impôts. Les gouvernants ne perdront pas leur poste pour autant.
De même, les politiques qui font des promesses pré-élections ne sont en rien obligés de les tenir. C'est trop facile. Allons voter, oui mais pour des gens tenus par leurs promesses. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
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le 14.04.2022 à 18:51:56
Bien dit
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le 08.04.2022 à 21:35:44
En parlant de Notre Dame des Landes, comment le traiter d'un point de vue démocratique ?
Certes les écologiques y ont gagné une victoire, grâce à l'occupation de la ZAD, et sûrement une victoire pour le bien commun. Mais l'Etat est revenu sur le résultat d'un référundum local - et a donc été à l'encontre de la démocratie....
Que penser dans ce cas ?
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le 14.04.2022 à 12:54:28
Le référendum local était biaisé, déjà par le choix, très discutable, des localités appelées à se prononcer. Il aurait fallu "peser", de façon impartiale et sage, les intérêts en jeu, financiers et non-financiers... Et pour cela, avoir une échelle de "valeurs"... qui reste à inventer.
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le 15.04.2022 à 09:32:38
Je trouve super ce qu'arrivent à faire les activistes. Ils permettent de mettre fin à des projets ou des actions qui vont contre l'intérêt général.
Toutefois, le fonctionnement de nos institutions n'est pas assez dissuasif et n'empêche en rien les prises de contrôle et d'accaparement du bien commun par des élus qui organisent avant tout leur intérêt personnel et ne risquent pas grand chose au final. Il suffit de regarder dans quel état ils ont mis la planète, et ce, relativement en toute impunité.
De plus, on ne compte plus les scandales concernant les capitalistes qui font de « l’optimisation fiscal » et de fait, ne payent pas ou peu d’impôts.
Ils privatisent les profits mais mutualisent les dettes, les charges ou autres indemnités dues par l’état, donc par le peuple. Michellepuymartin a raison.
Je suis issu d’une famille de droite, dont certains sont bien à droite. Il m’est arrivé d’entendre que les lois sont faites pour les pauvres…
Sauf erreur de ma part, je n’ai pas entendu parler d’un élu qui aurait été condamné fermement, de façon conséquente, à cause de ses actions illégales : Du sursis, quelques temps d’inéligibilité, et les voilà revenus « aux affaires ». Ce sont les élus qui édictent les lois, et ils savent se protéger
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le 25.04.2022 à 12:06:07
je lis toute l'impuissance politique que vous soulignez dans notre citoyenneté.
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le 01.02.2023 à 20:26:49
Nous sommes le 01/02/2023 les dommages à l'environnement sont-ils réparés ?
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le 30.10.2023 à 11:29:07
Très bonne question, merci!!!
A croire que c'est occulté!!